Tirailleurs au 1er R.T.M.

Historique (1943 - 1945)

I – Préparation au combat

Le Colonel De Butler prend le commandement du 1er R.T.M. le 12 avril 1943. Le Régiment est alors cantonné, dans la forêt de la Maâmora, sur la route Port-Lyautey-Rabat, à 10 kilomètres Sud de Port-Lyautey, afin de s’entraîner de façon intensive. Organisé, au mois de mai, sur le type « montagne » avec une puissance de feu sensiblement égale à celle d’un régiment de type normal, il est doté, en plus d’un gros matériel automobile, d’un important train muletier et d’une section d’éclaireurs skieurs par bataillon. L’armement, et l’équipement américain sont perçus au cours des mois de mai et de juin.

Du 24 juin au 3 juillet, le 1er R.T.M. fait mouvement par route et par voie ferrée sur la région de Sebdou (Oranie) où se concentrent les différentes Unités de la 4e Division Marocaine de Montagne (Général Martin) dont il fait partie. Dans le cadre de cette grande unité, il se familiarise avec son nouveau matériel et complète son entraînement au cours de nombreux exercices de cadres et de fréquentes manœuvres.

Fin prêt, il brûle d’autant plus du désir d’entrer en action qu’il entend bien prendre sa revanche sur les Allemands, car tous ont à cœur de venger les morts de 1940. Mais l’heure de la libération de la Corse a sonné. Cette mission échoit à un groupement de choc, aux ordres du Général Louchet, Commandant l’Infanterie Divisionnaire de la 4e D.M.M. et comprenant :

  • Le 1er R.T.M,
  • Le 2e Groupement de Tabors Marocains (Colonel De La tour),
  • Des commandos français (Commandant Bouvet),
  • Deux escadrons du 4e Régiment de Spahis Marocains,
  • 1 groupe du 69e Régiment d’Artillerie de montagne.


Le Régiment est alors cantonné, dans la forêt de la Maâmora, sur la route Port-Lyautey-Rabat, à 10 kilomètres Sud de Port-Lyautey, afin de s’entraîner de façon intensive.
Source : Maghrebiyon

II – Libération de la Corse

Dans la nuit du 15 au 16 septembre, le 3e Bataillon (Commandant Boulangeot) embarque à Alger à bord du contre-torpilleur Fantasque et des torpilleurs Alcyon et Tempête qui le conduisent à Ajaccio d’où l’ennemi vient de se retirer. Le 1er Bataillon (Commandant Soleilhavoup) débarque à son tour en Corse le 21 septembre, suivi, le 25 et le 26, par la 1e Compagnie et le 2e Bataillon (Commandant Desjours). Tout le Régiment est alors regroupé mais il lui manque encore ses trains muletier et auto.

Les Allemands retraitent sur Bastia où ils préparent leur rembarquement. Pour protéger cette opération, ils harcèlent nos forces avec leur aviation et tiennent solidement les cols menant à ce port. Ils s’agit de les bousculer sans attendre l’arrivée des moyens de transport. Des guides sont donnés aux unités qui reçoivent une centaine de mulets fournis par les troupes italiennes et des mulets amenés par les patriotes corses. En outre, deux batteries italiennes de 75 sont mises à la disposition du Régiment.

Avec ces moyens insuffisants, le 1er R.T.M. se lance à la poursuite de l’ennemi. Il occupe Rapale, le 26 septembre, Murato, le 28, Vallecalle, le 29. Le 30 septembre, la 1e compagnie (Capitaine Morand) s’empare par une brillante action de nuit du col de San Stéphano, ce qui lui vaut une citation à l’ordre de l’Armée avec le motif suivant :

« Magnifique unité qui, au cours d’une audacieuse opération de nuit, a enlevé, le 30 septembre 1943, la position du col de San Stéphano solidement tenue et organisée. A, par son action, digne des plus beaux faits d’armes des troupes marocaines, ouvert la route à notre progression. A, en outre, causé un préjudice considérable â l’ennemi qui a laissé entre nos mains 3 morts, 11 prisonniers dont 1 Officier, 2 canons de 75, 7 véhicules automobiles, une quantité considérable d’armement, de vivres et de munitions. »

Les Allemands tentent ensuite sans succès de reprendre le col avec un bataillon et demi d’infanterie et 7 ou 8 chars. Ceux-ci sont stoppés par le feu des mortiers du sous-lieutenant Fassi (C.B.1).

Le 1e octobre, le 1er R.T.M. bouscule l’adversaire sur la Cima Del Zuccarello, enlevée par une section de la 6e Compagnie (sous-lieutenant Godon) au col de San Antonio et coopère, plus au Nord, à la prise du Col de Teghime par le 2e G.T.M.

Toutes les crêtes sont ainsi entre nos mains. Puis, dévalant des sommets du Allatore et du Gémini, il entre, le 4 octobre, dans Bastia dévasté où, au cours de leur rembarquement précipité, les Allemands ont abandonné des dépôts, un matériel considérable et des prisonniers qu’ils n’ont pu emmener avec eux.

Les pertes du Régiment s’élèvent à 15 tués dont 2 Sous-Officiers et 2 Caporaux français, 1 disparu et 86 blessés.

A la joie d’avoir coopéré grandement à la libération du premier département français, le 1er R.T.M. ajoute celle d’ouvrir ainsi la voie triomphale dans laquelle va s’engager la nouvelle Armée d’Afrique, enfin dotée de matériels modernes par nos amis et alliés américains. Il stationne ensuite en Corse durant tout l’hiver 1943-1944, effectuant de nombreuses manœuvres en montagne qui font de lui un instrument de guerre parfaitement au point et d’une haute valeur offensive.

Le 10 mars, le Colonel De Butler, muté, passe le commandement provisoire du Régiment au Lieutenant-Colonel Dewatre.

Reportage sur l’arrivée à Ajaccio de soldats français, en provenance d’Alger. Office Français d’Informations Cinématographiques – 01/01/1944 – 02min17s – Document I.N.A. – Document muet.


Oubliée des manuels d’histoire, Ajaccio fut pourtant la première ville libérée de France. Durant plus de 50 ans, la Normandie a été présentée comme le premier territoire libéré en 1944.
Source : France 3 Corse ViaStella.

III – La campagne d’Italie

Le 28 mars 1944, le 1er R.T.M., transporté en entier, à l’exception de 2 Compagnies, de Corse en Italie, par des L.S.T. américains, débarque à Pozzuoli.

Le 31 mars, le Lieutenant-colonel Brissaud-Desmaillet en prend le Commandement.

Le 2 avril, les derniers éléments du Régiment arrivent sans incident à Naples, venant de Corse.

Du 9 au 29 avril, le 1er R.T.M, tient un secteur défensif de la tête de pont du Garigliano. Au cours de ce séjour en ligne, il perd 4 hommes, dont le Lieutenant Mahn, de la 11e Compagnie, mortellement blessé par balle au cours d’une embuscade de nuit, et 46 blessés.

Intégré au Corps de Montagne, constitué par la 4e D.M.M. (Général Sevez) et trois groupements de Tabors Marocains, le Régiment prend part ensuite, à partir du 10 mai, à l’offensive de la 5e armée américaine, dans le cadre du groupement du Général Guillaume (1e R.T.M., 1er et 4e G.T.M.). Au cours de cette marche victorieuse du Corps Expéditionnaire Français, toujours en flèche, qui conduit le 1er R.T.M. des rives du Garigliano à Sienne et à San Gimignano, trois phases différentes se présentent :

1. La percée en montagne après la rupture du front, du 13 mai au 2 juin.
2. La poursuite de l’ennemi en retraite au Nord de Rome, jusqu’à Sienne, du 16 juin au 3 juillet.
3. Les opérations au delà de Sienne et la prise de San Gimignano, du 8 au 21 juillet.


1. La percée en montagne

Initialement maintenu en réserve à l’Est du Garigliano, jusqu’au 13 mai, le Régiment participe, avec le Groupement Guillaume et en soutien des Tabors, dans les Monts Aurunci, à l’exploitation du succès, aussitôt dessinée la rupture du front ennemi.

Le 13 au soir, son 1er Bataillon (Commandant Soleilhavoup) est mis à la disposition du groupement du Colonel Bondis, au sein duquel il reste jusqu’au 26 mai, date à laquelle il rejoint le Régiment.

Le 2e Bataillon (Commandant Girard) et le 3e Bataillon (Commandant Le Page), appuyant au plus près les Goums, talonnent sans répit les troupes de haute montagne allemandes qui s’efforcent de retarder leur progression en se cramponnant à tous les accidents du terrain en contre attaquant furieusement à diverses reprises et en réagissant par de violents tirs d’artillerie et de mortiers. Ils n’en gardent pas moins l’ascendant sur l’ennemi,

. au Fragoloso, le 16 mai,
. à Modane, le 17 mai,
. à la Madone Monte Vetro, le 18 mai.
. Le 26 mai, sur l’Appiolo,
. Le 29 mai, sur le Chiarello, ils contraignent par des attaques répétées l’adversaire à se replier avec de lourdes pertes.
. Enfin, les 29, 30 et 31 mai, ils s’emparent de vive force des villages de San Stéphano, de San Giulano, du col de la Palombara et du Monte Cacume (cote 1095) dont les allemands s’enfuient en désordre.

Au cours de cette période, les deux Bataillons font 233 prisonniers, dont 8 Officiers, et s’emparent, en plus d’un abondant matériel, de 5 canons antichars et de 24 mitrailleuses.

Le 1er Bataillon et sa section de montagne, commandée par le Lieutenant Faury, se distinguent tout particulièrement de leur côté au sein du groupement Bondis.

. Le 1er Bataillon prend le Monte Vetro, le 17 mai,
. Montale, le 18 mai,
. La cote 700, le 21 mai, faisant 93 prisonniers dont 2 officiers.

Quant à la section de montagne,

. Elle bouscule une première fois une compagnie allemande au Monte Belvédère Espéria, le 17 mai,
. Réédite le même exploit, le 21 mai, sur les pentes du Valdimara, prend une part active aux combats du Monte Cocco,
. S’empare de la cote 530 au Nord de Prossedi, le 28 mai,
. Occupe le 30 mai l’observatoire du Monte Cacume, et s’y maintient farouchement malgré de violentes contre attaques, bien qu’entièrement encerclée.

Au cours de ces opérations, elle capture 43 prisonniers, 17 mitrailleuses et 3 mortiers.
Leur belle conduite, au cours de ces affaires, vaut à chacune de ses deux Unités une citation à l’ordre de l’Armée. Ces durs combats de montagne, qui exigent un effort physique considérable, coûtent au Régiment les pertes au feu suivantes :

. Officiers tués : 2 (Lieutenant Arbellot Du Repaire, par balle, le 18 mai; Aspirant Paulins, par éclat d’obus, le 23 mai).
. Officiers blessés : 8
. Sous Officiers et hommes de troupe tués : 79
. Sous Officiers et hommes de troupe blessés : 327
. Sous Officiers et hommes de troupe disparus : 22
. Total : 438

Le Régiment est ensuite relevé et mis au repos dans la région de Sezze où il se re complète.
La section du sous-lieutenant d’Harcourt (4e Compagnie) est désignée pour participer à l’occupation de Rome.


2. La poursuite au Nord de Rome

Le 18 juin, le 1e R.T.M., intégré au Groupement du Général Guillaume, reprend la poursuite de l’ennemi, au nord de Rome, en appui des éléments blindés. Pendant quinze jours, il attaque sans répit les allemands partout où ils tentent de résister, enlevant,

. Le 20 juin, les villages de Montelaterone et de Monticello (3e Bataillon, Commandant Le Page),
. Le 21 juin, celui de Montenero (2e Bataillon, Commandant Girard).
. Le 24 juin, le 1er Bataillon (Commandant Bastiani) s’empare de Casale, Monte Antico et Casenovole, tandis que le 3e Bataillon occupe le Monte Acuto, Pari et Vignali.
. Le 25 juin, le 3e Bataillon prend Santo.
. Le 27 juin, le Monte Casoli, le village de Piscini,
. Le 28 juin, Campoccioli, tombent aux mains du 2e Bataillon
. Ainsi que Poggio Della Pigne et Della Piagge le 1er juillet.

Le 1er Bataillon enlève :

. Le 27 juin Poggio la Guardia et San Lorenzo,
. Le 3 juillet, Cetinale et la Côte 359 malgré une vive réaction de l’ennemi.

Toutes ces actions aident puissamment à la prise de Sienne. Le Régiment est alors mis au repos pour quelques jours. Les pertes pour cette période sont de :
. Officiers tués : 4 (Lieutenant Gruber, par éclat d’obus, le 25 juin; Aspirant Bagarre, par éclat d’obus, le 28 juin; Aspirant Llull, par éclat d’obus, le 29 juin; Sous lieutenant Chevalier, par balle, le 5 juillet).
. Officiers blessés : 3
. Sous Officiers et hommes de troupe tués : 42
. Sous Officiers et hommes de troupe blessés : 188
. Sous Officiers et hommes de troupe disparus : 4
. Total : 237

Les éléments du Régiment, avec le Colonel et le Drapeau, assistent à une prise d’armes à Sienne, le 4 juillet, et défilent devant le Général d’Armée Juin, Commandant en Chef le Corps Expéditionnaire Français en Italie, ancien Capitaine au Régiment (1914-1918).


3. Opérations au delà de Sienne

Le 8 juillet, le Régiment remonte en ligne et, après plusieurs jours de combat, s’empare, le 13 juillet, de San Gimignano, la vile au sept tours, dont il dégage ensuite les abords jusqu’au 19 juillet, date à laquelle il est mis au repos. Le 3e Bataillon joue un rôle important dans ces opérations. Les pertes de ces journées sont de :

. Officiers tués : 3 (Sous lieutenant Mistral, le 9 juillet, par mine; Sous Lieutenant Pesnel, le 12 juillet, par éclat d’obus; Lieutenant Duheaume, le 19 juillet).
. Officiers blessés : 1
. Sous Officiers et hommes de troupe tués : 31
. Sous Officiers et hommes de troupe blessés: 111
. Sous Officiers et hommes de troupe disparus : 1
. Total : 144

Le 1er R.T.M. se concentre à partir du 21 juillet dans la région de Naples. Sa belle conduite au cours de cette brillante et victorieuse campagne d’Italie, dont les Français ignorent pour la plupart l’importance, lui vaut une citation à l’ordre de l’Armée. Son 1er Bataillon et la Section d’Éclaireurs Skieurs de ce bataillon sont également, on l’a déjà dit, l’objet de la même distinction. Enfin, sa 3e Compagnie est citée à l’ordre de la Division pour son attitude :

. Au Monte Vetro, le 18 mai,
. Au Monte Cocco, le 23 mai,
. Au col de la Palombara, le 23 mai,
. A Poggio de la Guardia, le 27 juin
. Dans le secteur d’Orsia, le 29 juin.

Le 25 août 1944, le Colonel Deleuze prend le commandement du 1er R.T.M. A partir du 11 septembre, le Régiment quitte l’Italie à bord de L.S.T. et de Liberty Ship. Le 13 septembre, le Colonel et les premiers éléments du Régiment mettent pied à terre sur la grève de Villa Croisette, à 2 kms Sud-Ouest de Sainte Maxime.

1943-1948 : Misère et désolation à Naples.
Source : benhopkinsdirector

 


Défense désespérée des Allemands sur le mont Belvédère.
Source : UnknownWW2InColor


La Bataille d’Italie et le Corps Expéditionnaire Français (1943-1944).
Un reportage exceptionnel, diffusé en 1971, de la toute aussi exceptionnelle série « Les Grandes Batailles » réalisée par Daniel Costelle, Jean-Louis Guillaud et Henri de Turenne entre 1966 et 1974 (sans compter sa série sœur « Les Grandes Batailles du passé » sortie entre 1973 et 1978).

Source : Nettempereur


Cette séquence vidéo ne présente aucun rapport direct avec le conflit lui même, mais permet de réaliser les conditions extrêmement difficiles auxquelles le Corps Expéditionnaire Français a du faire face lors des combats en Italie.
Source : Giovanni Montanari

IV – Campagne de France


 1. Front des Alpes (Isère)

Après quelques jours passés dans la région de Cogolin et de la Commanderie, pour se regrouper, le 1er R.T.M. est dirigé sur le front des Alpes où il prend à son compte, à partir du 2 et du 8 octobre, la garde du sous secteur de l’Isère (Maurienne, Tarentaise et Briançonnais), confiée jusqu’alors au 5e R.T.M. et à des forces F.F.I. qui restent sur place.

Là, il apporte aux Français de la Résistance son expérience de la guerre moderne. Entre chasseurs Alpins des Brigades de Savoie et du Dauphiné et Tirailleurs Marocains, tous animés de la même volonté de bouter les allemands hors du sol de France, de solides liens de camaraderie confiante s’établissent rapidement.

Le 11 octobre, le Lieutenant Cordier (CB3) est tué d’un éclat d’obus au lieu dit Mallatrait. Dans la Région de Briançon, le 2e Bataillon (Commandant GIRARD) prend pied, le 20 octobre, sur le plateau de Clavières et enlève l’observatoire du Chenaillet, âprement défendu par l’ennemi. A Clavières, la Section d’Éclaireurs Skieurs du 1er Bataillon se distingue également au cours d’un coup de main de nuit très hardi.

Le 5 novembre, des éléments du Régiment, avec le Colonel, le Drapeau et la Nouba, défilent à Grenoble devant le Général De Gaulle et le Général d’Armée De Lattre De Tassigny.

Le 11 novembre, le Colonel, le Drapeau, la Nouba et deux Compagnies du 1er Bataillon ont l’honneur de prendre part, à Paris, à la cérémonie commémorative de l’Armistice de 1918 et, vivement applaudis par la foule, traversent la capitale de la Place de l’Étoile à la Place de la République, par l’Avenue des Champs Élysées, la Place de la Concorde, la rue Royale et les Grands Boulevards.


2. Dégagement de Mulhouse

Le 20 novembre, le 1er Bataillon, enlevé par camions, à Grenoble, est dirigé sur le secteur de Mulhouse où il arrive le 25 novembre. Le reste du Régiment rejoint dans les journées suivantes, mais, dès le 26 novembre, le Colonel Deleuze prend le commandement du sous secteur de la Hardt et, en plus du 1er R.T.M., des unités suivantes : 1/64° R.A.A., 2e B.C.P., R.I.C.M.

Pour dégager Mulhouse, étroitement serrée et même en partie encore occupée par les allemands; le Commandement décide le nettoyage de la forêt de la Hardt qui s’étend entre la ville et le Rhin. Pendant près d’un mois, le Régiment est alors engagé dans une série de combats sous bois, extrêmement meurtriers. Les allemands, mettant en ligne leurs meilleures troupes, solidement retranchés derrière des champs de mines et appuyés au plus près par des chars et des canons automoteurs, offrent une résistance désespérée, contre-attaquant en force à diverses reprises. Le 1er R.T.M., de son côté, bande toutes ses forces et s’acharne à briser l’adversaire qui entend ne pas abandonner ce lambeau du sol alsacien.

Le terrain péniblement conquis est perdu, puis repris, puis reperdu et repris, non sans de lourdes pertes. Le Régiment est décimé au cours de ces luttes sanglantes mais l’adversaire, également épuisé, se montre incapable de reprendre l’ascendant et Mulhouse est finalement mis hors de son atteinte.

Dans une première phase, le 3e Bataillon (Commandant Lenormand) nettoie le 28 novembre la partie Sud de la Hardt et atteint le Pont-de-Bouc, tandis que le 1er Bataillon (Commandant Bastiani), occupe l’écluse d’Hombourg et nettoie la partie Sud-Est de la Forêt de la Hardt.

Dans une deuxième phase, le 2e Bataillon est engagé dans de durs combats, sans résultats appréciables, pour dégager une partie du secteur nord de la forêt (affaire de Grünhutte). Toutes les Unités du Régiment entrent successivement dans la fournaise.

Le 3 décembre, la 4e Compagnie (Lieutenant Martin) est à peu prés complètement anéantie par l’ennemi, dans la tête de pont de Pont-de-Bouc. La 1e Compagnie (Capitaine Morand) et une Compagnie du 21e R.I.C. ne tardent pas à subir le même sort, au même endroit, les allemands attaquant en force avec plus de 30 chars lourds. Nos propres chars sont très éprouvés. Le Pont-de- Bouc retombe finalement aux mains de l’adversaire. Mais les éléments allemands qui ont atteint à cet endroit le canal de Huningue, pris entre des éléments du Régiment qui se replient sur la rive Nord et le 1er Bataillon, qui contre-attaque sur la rive Sud, sont anéantis. Pont-de-Bouc est à nouveau repris par nous.

Le 5 décembre, nous tenons solidement la partie de la forêt de la Hardt située au Sud et à l’Ouest du Canal de Huningue, en gardant un contact étroit avec l’ennemi. Au cours de ces combats d’un acharnement désespéré, les pertes du Régiment s’élèvent approximativement à :
Tués : 162, dont 4 Officiers :

. Lieutenant Meyer, 4e Cie, le 3 décembre.
. Lieutenant Martin, 4e Cie, le 3 décembre.
. Capitaine Leclerc, CB2, le 3 décembre.
. Lieutenant Du Houlay, 5e Cie, le 3 décembre.
Blessés : 349.
Disparus : 279.

Soit au total : 790 Officiers, Sous-Officiers et Tirailleurs, dont la plupart tombent du 28 novembre au 4 décembre. L’ennemi dont les meilleures troupes sont très lourdement éprouvées, laisse entre nos mains 187 prisonniers, des canons anti-chars et perd plusieurs engins blindés.

Une citation collective à l’ordre de l’Armée récompense la belle conduite du 1er R.T.M. qui a intégralement « rempli sa mission de dégagement de Mulhouse et réalisé un exploit digne des traditions marocaines ».


3. Actions dans les Vosges alsaciennes

Épuisé, le Régiment est relevé la veille de Noël et vient se reconstituer dans la région de Luxeuil. Mais, à peine a-t-il reçu des renforts qu’il monte dans les Vosges assurer la défense d’un sous-secteur du front.

Toujours dans les Vosges, son deuxième Bataillon (Commandant Girard) se distingue par sa brillante attitude au cours d’une opération offensive. La citation suivante, à l’ordre de l’Armée, décernée à cette unité, dépeint mieux, dans sa sobriété, la physionomie de ce combat, que tout autre récit.

« Engagé le 20 janvier, au Nord de Thann, partant du Rangenkopf, s’est porté à l’assaut du Brandwaldkopf, solidement organisé par l’ennemi. Gravissant des pentes abruptes et fortement enneigées, a franchi les défenses accessoires couvrant la position et a submergé un adversaire surpris par la vigueur de l’attaque. Poussant sans désemparer sur le Herrenstubenkopf, a progressé dans une tourmente de neige, surmontant dans des prodiges de volonté et d’énergie des difficultés dues autant à la résistance de l’ennemi qu’à d’effroyables conditions atmosphériques, et atteint l’objectif en fin de journée. Dans la nuit du 21 au 22 janvier, a replié en bon ordre des unités avancées pressées de tous côtés, impossibles à ravitailler. Les soustrayant à l’étreinte ennemie, les a ramenées, par une manœuvre bien conduite, avec tous leurs blessés sur une position arrière. »

Le 3e Bataillon (Commandant Chauveau) prend également une part active à ces affaires qui nous coûtent 6 Officiers tués :
. Le 21 janvier, Capitaine Cuny, 10e Cie.
. Le 22 janvier, Lieutenant Fabre, 6e Cie, Sous-Lieutenant Lefevre, 7e Cie, Sous-Lieutenant Gagneron, 8e Cie, Sous-Lieutenant Leveque, 7e Cie; Aspirant Le Normand, CB2.

Après ces combats, le 1er R.T.M., relevé, quitte le secteur de Thann. Il est mis quelques jours en réserve pour se re compléter.


4. Libération de Colmar et de la Haute Alsace

Le 3 février, franchissant la Thur, au Nord-Ouest de Wittelsheim, le régiment participe brillamment aux opérations de liquidation de la poche allemande de Haute Alsace. D’un seul élan, il franchit les lignes ennemies, porte jusqu’à Soultzmatt qu’il enlève, pousse des éléments à Rouffach, établit la liaison avec les forces américaines venant du Nord (21e Corps d’Armée U.S. du Général Milburn) et libère au cours de sa progression une dizaine de villages. Le 1er Bataillon (Commandant Bastiani) est cité pour la deuxième fois à l’ordre de l’Armée avec le motif suivant :

«Vient de remporter un succès sans précédent grâce à son audace et à son habileté manœuvrière. En quatre jours de combats en Alsace, du 3 au 7 février 1945, a effectué une progression de 20 kilomètres de profondeur, faisant plus de 1.000 prisonniers dont 26 Officiers, et ramassent un butin considérable, comprenant en particulier 7 canons, 8 mortiers, 45 mitrailleuses, 800 fusils, 18 automobiles, des dépôts importants de vivres, de munitions et de matériel. Grâce à la rapidité de son action, n’a subi que des pertes particulièrement faibles (6 tués, et 29 blessés, dont 1 Officier).»

Acclamé follement par la population alsacienne, le Régiment défile ensuite à Colmar, devant le Général De Gaulle, parmi les Troupes victorieuses de la 1e Armée Française du Général De Lattre De Tassigny, artisan de cette magnifique victoire, qui fut le Capitaine Adjudant Major du Bataillon Trinquet (1er R.T.M.) en 1921-1922.

L’Alsace enfin libérée, le Régiment monte la garde au Rhin, face au pays de Bade, entre Kembs et Neuf-Brisach, jusqu’à la mi-avril. Le sous-lieutenant Rouchon (11e Cie) est tué, le 2 mars, dans l’accomplissement de cette tâche sacrée.


Provence 15 août 1944 : L’autre débarquement.
Source : Imineo Documentaires


Libération de l’Alsace par la 1ère Armée 1:3.
Source : Philippe De Lespinay


Libération de l’Alsace par la 1ère Armée 2:3.
Source : Philippe De Lespinay


Libération de l’Alsace par la 1ère Armée 3:3.
Source : Philippe De Lespinay


La prise de Colmar.
Source : Philippe De Lespinay

V – La grande revanche, Campagne d’Allemagne et d’Autriche 1945

Il ne suffit pas au 1er R.T.M. d’avoir glorieusement contribué à la libération du Territoire National. Il brûle en plus, ainsi que toutes les autres unités de la 4e Division Marocaine de Montagne, du désir de porter enfin la guerre sur le sol allemand, inviolé depuis Napoléon 1er. Et cette volonté est peut-être, si possible, plus grande encore au Régiment qui entend venger de façon éclatante ses morts de Belgique et des Flandres, en 1940. Aussi, est-ce avec joie qu’il franchit le Rhin, à Kehl, le 17 avril.

Le 19 avril, le Colonel Brissaud-Desmaillet, ancien commandant du Régiment en Italie, en reprend le commandement. Engagé sur l’axe général Freudenstaat – Donaueschingen – Stokach Friedrichaffen – Lindau – Brégenz, le 1er R.T.M., prend une part active à cette magnifique campagne Rhin – Danube, digne des plus belles épopées napoléoniennes.

Le 22 avril, le 2e Bataillon dégage, à Saint-Georges, un escadron de chars du 8e Dragons, bloqué dans cette localité par les allemands. Le 24 avril, le Lieutenant Benton (C.A.C.) est tué alors qu’il se portait à la recherche de la 10e Compagnie attaquée par l’ennemi dans la région de Biesendorf et Mossenheim, au Nord d’Engen. Cette unité se fait remarquer par sa belle conduite au sein du Combat-Command N° 2.

Cependant, le XVIII° Corps d’Armée, encerclé et pressé dans la Forêt Noire par la 9e Division d’Infanterie Coloniale et la 1e Brigade de Spahis, essaye de percer nos lignes, vers l’Est, pour rejoindre le gros des forces allemandes. La 4e Division Marocaine de Montagne subit le choc sans broncher. Le 1er Bataillon (Commandant Bastiani) du Régiment, se mettant en hérisson, se distingue à nouveau à Aasen, au cours de cette affaire et se voit décerner une troisième citation à l’Ordre de l’Armée, avec le motif suivant :

« ……a remporté, dans la nuit du 25 au 26 avril, une victoire complète sur la Division Von Oppen. Composées de troupes d’élite, appuyées par des engins blindés et de l’artillerie, les avant-gardes de cette Division se présentèrent dans la journée du 24 devant Aasen qu’elles tentèrent de déborder. La manœuvre ayant échoué devant les dispositions prises par le 1er R.T.M., les forces ennemies déclenchèrent une puissante attaque dès la tombée de la nuit. Après de très violents combats qui allèrent jusqu’au corps à corps et malgré des infiltrations profondes qui atteignirent le centre du village, parvint à rejeter complètement l’ennemi au lever du jour en lui infligeant des pertes considérables. Plus de 200 cadavres furent dénombrés sur le terrain, de nombreux blessés furent ramassés, 300 prisonniers furent faits au cours de ce combat. Un important matériel comprenant 2 batteries de 105, 2 batteries anti-chars, des pièces de D.C.A et des voitures auto et hippo, fut abandonné sur le terrain. Par sa résistance opiniâtre, puis par ses contre-attaques contre un ennemi supérieur en nombre et en moyens, le 1er Bataillon parvint, après cinq heures de lutte, à anéantir les troupes d’attaque dirigées par le Général Von Oppen en personne. Cette destruction entraîna la désorganisation du reste de la Division dont la majeure partie se rendit aux Unités voisines »

Ajoutons que le Général Von Oppen fut tué pendant ces combats au cours desquels le 1er Bataillon perdit seulement 80 hommes tués, blessés et disparus.

De son côté, le 3e Bataillon est cité à l’ordre du Corps d’Armée pour sa belle conduite en Corse, en Italie, en Alsace et en Allemagne.

Continuant sa marche en avant, le Régiment arrive sur la rive Nord du Lac de Constance le 1er Mai. Pour suivre la progression des éléments motorisés, les hommes sont embarqués; à Uberlingen et Immenstaad, le 2 mai à bord de bateaux qui les transportent à Lindau.

Du 23 avril au 5 mai, le 1er R.T.M. fait plus de 1.600 prisonniers dont 40 Officiers et s’empare d’une énorme quantité de matériels de toutes sortes. Puis le Régiment pénètre dans le Vorarlberg et le Tyrol autrichiens où il apprend la nouvelle de la capitulation de l’Allemagne.

Le 20 mai, le 1er R.T.M. participe à Obensdorf à une revue à l’issue de laquelle il défile devant le Général De Gaulle et le Général d’Armée De Lattre De Tassigny, commandant la 1e Armée française. Ainsi finit en triomphe une longue et sanglante épopée, parfois douloureuse mais toujours glorieuse, au cours de laquelle le plus vieux des Régiments de Tirailleurs Marocains, fidèle à son passé, combattit vaillamment, jusqu’à l’extrême limite de ses forces, en Belgique, dans les Flandres, en Corse, en Italie, en Savoie, dans les Vosges, en Alsace, en Allemagne, pour aboutir finalement en Autriche.

Le 1er R.T.M. porte fièrement à la hampe de son drapeau :
. Le Mérite Militaire Chérifien.
. La Croix de Guerre 1914-1918, avec cinq palmes et une étoile d’argent.
. La Croix de Guerre 1939-1945, avec deux palmes.
. La fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire.
. La fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre 1939-1945
. Son blason est le Sceau de Salomon à cinq branches, avec l’Hirondelle de la Mort, afin de rappeler le surnom donné par les allemands eux-mêmes à nos Tirailleurs Marocains, au cours de la guerre 1914-1918.


La 1ere Armée Française « Rhin et Danube » dans la bataille d’Allemagne mars à mai 1945.
Source : Philippe De L’Espinay

VI – L’après guerre

Après plusieurs mois de séjour dans la région de Lyon – Saint-Etienne, Bourg et Roanne, il arrive en mai 1946 sur la Côte d’Azur où son gros tient garnison à Menton, Villefranche, Nice, Antibes, Grasse et Darboussières (Fréjus), pendant que le 3e Bataillon s’installe dans les Alpes, à Digne et à Barcelonnette.

Et la tradition se maintenant, des unités du Régiment vont combattre partout où il faut maintenir le Drapeau. C’est ainsi qu’une Compagnie de marche (Lieutenant LAURIER) s’intègre, en février 1947, à un Bataillon du 5e R.T.M., envoyé en renfort en Indochine. C’est ainsi également que le 1er Bataillon de Marche du Régiment part en juillet pour Madagascar. Ces prélèvements massifs ayant fortement diminué ses effectifs, le 1er R.T.M. rentre au Maroc, à Port-Lyautey, en septembre 1947, où il retrouve ses tombes, ses souvenirs, ses anciens casernements, se réorganise et se reconstitue pour être prêt à remplir dignement les missions qui peuvent à nouveau lui incomber.